Dans la liste des magistrats non-certifiés par le CSPJ, au moins trois (3) cas méritent une réévaluation, voire une reconsidération de la part du CSPJ, selon l’Association Professionnelle des Magistrats (APM) et l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH). Il s’agit des magistrats, Merlyn Toussaint, Yvelt Petit-Blanc et Jean Perès Paul.
Depuis la publication de la liste des magistrats non-certifiés par le CSPJ, plusieurs entités et personnalités de la société ont salué ce coup de balai du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) dans le système judiciaire haïtien ; un système judiciaire décrié et gangrené par la corruption.
Du côté des associations des magistrats, la décision du CSPJ contre les juges non-certifiés ne fait pas l’unanimité.
Dans un communiqué en date du 19 janvier 2023, l’Association Professionnelle des Magistrats s’est dit stupéfaite de voir le nom du Magistrat Yvelt Petit Blanc dans la liste des magistrats non certifiés. L’APM qui présente le magistrat comme un juge intègre, dévoué à l’exercice de ses fonctions, se dit être convaincue que le dossier du Magistrat Yvelt Petit-Blanc a été mal apprécié par le CSPJ.
L’ANAMAH de son côté, émet des réserves face à une prise de position formelle, mais ne cache pas sa stupeur de voir des magistrats comme Merlyn Toussaint et Jean Perès Paul frappés par la décision de non-certification du CSPJ.
A cet effet, le président de l’ANAMAH, Me Jean Wilner Morin dit avoir sollicité de la CSPJ une audience en vue d’analyser avec les conseillers, certains dossiers des magistrats qu’il estime être intègre et compétent dans leurs fonctions.
Le Cas du juge Yvelt Petit-Blanc
Le magistrat Yvelt Petit-Blanc, juge et juge d’instruction au Tribunal de Première instance de la Croix des Bouquets, n’a pas reçu de certification du CSPJ pour les motifs suivants : Absence d’intégrité morale et facilitation de l’élargissement de présumés criminels notoires. Quelques jours après, l’Association Professionnelle des Magistrats a sorti un communiqué de presse pour crier au scandale et clamer l’intégrité du Magistrat instructeur.
Contacté par Ted Actu, un membre du CSPJ a déclaré sous couvert d’anonymat, que les conseillers n’ont pas de doute sur l’intégrité du magistrat ni ne détiennent des preuves de corruption contre lui.
Cependant le conseil estime que le juge Yvelt Petit-Blanc a été très complaisant envers un criminel notoire qu’il a relâché en mars 2020.
Le criminel en question, Maxony Germinal, membre actif du gang 400 mawozo a été extradé vers les États-Unis le 16 Juillet 2022. Ce dernier est accusé d’être l’un des grands fournisseurs d’armes et de munitions de l’organisation criminelle dénommée « 400 mawozo » et a été l’un des complices dans l’enlèvement des missionnaires américains en octobre 2021.
Le juge Yvelt Petit-Blanc dit ne pas comprendre la décision du CSPJ alors qu’il a étayé minutieusement les faits pour le conseil.
En tout état de cause, il soutient qu’on ne peut le sanctionner pour avoir appliqué la loi, et qu’il ne pouvait pas deviner ce qu’allait devenir le nommé Maxony Germinal, car en tant que juge instructeur, il instruit sur des faits et non sur des personnes.
Les faits selon Yvelt Petit Blanc : le 25 Juillet 2016, le juge Paul Pierre a pris une ordonnance de clôture, renvoyant Maxony Germinal hors des liens d’inculpations pour absences d’indices et de charges pour les infractions dont il était accusé. En Mars 2020 la Police Nationale d’Haïti a procédé une nouvelle fois à l’arrestation de Maxony et l’a transféré à la DCPJ.
Le dossier de Maxony Germinal a été acheminé au Cabinet d’instruction, avec une plainte pour un conflit de propriété et les anciennes charges retenues contre lui en 2016.
Le magistrat avait conclu, en tant que juge d’instruction, qu’il n’a pas de compétence pour statuer sur la plainte déposée contre Maxony, puisqu’elle est portée sur un conflit de propriété, relevant du tribunal civil et ensuite qu’il ne pouvait pas statuer sur les réquisitoires du parquet qui ont repris les mêmes accusations de 2016, pour lesquelles Maxony avait déjà reçu une ordonnance de non-lieu pour manques de preuves et d’indices.
N’ayant aucun moyen juridique de décerner un mandat de dépôt contre le nommé Maxony Germinal, le Magistrat Yvelt dit avoir appliqué la loi et les principes juridiques en libérant l’accusé pour manques d’indices et de preuves
Le Cas du juge Merlyn Toussaint
Le Magistrat Merlyn Toussaint est juge de paix au Tribunal de paix de Jacmel, il n’a pas été certifié par le CSPJ pour insuffisance académique. Notre contact au sein du conseil ne va pas de mains mortes « Magistrat Toussaint n’est pas certifié puisqu’il dispose d’un diplôme de Bacc II, alors qu’il n’a pas réussi les examens du Bacc I ».
Avec cet état de fait, le conseil est arrivé à la conclusion que le magistrat a employé des moyens frauduleux pour entrer dans le système judiciaire.
Ce Magistrat qui a intégré le système judiciaire en 2005 et que Me Jean Wilner Morin, Président de l’ANAMAH, présente comme l’un des Magistrats le plus compétents du système judiciaire a été contacté par la Rédaction de Ted’Actu.
D’entrée de jeu, le Magistrat a dit regretté qu’il ait été victime d’une erreur du système éducatif 25 ans plus tôt. Dans un mémo déposé devant le CSPJ, le magistrat s’est exprimé en ces termes : « …un événement s’est produit un quart de siècle (25 ans) plus tôt, dans des circonstances que vous ne maîtrisez pas, mettant en évidence les erreurs d’un système éducatif qui se cherche encore. En dépit de tout ce que j’ai apporté à cette magistrature, quelques-uns se sont empressés de me jeter en pâture aux lions. »
Pour les faits, Magistrat Merlyn Toussaint, remontant le fil des événements, explique avoir subi les examens de baccalauréat première partie en 1997, à l’issue de ces examens il a été ajournée et a dû par la suite subir les examens du Bacc permanent.
Alors qu’il devait subir les examens sur les matières pour lesquelles il avait échouées, il a subi toutes les épreuves et a été éliminé cette fois.
Le directeur de son établissement scolaire de l’époque, ayant compris que son élève avait été désabusé, lui avait promis de tout régler auprès du Ministère de l’Éducation Nationale.
Le magistrat Merlyn Toussaint soutient que son directeur l’avait informé quelques temps plus tard, qu’on avait comptabilisé uniquement les matières qui lui manquaient et qu’il est bel et bien admis en Philo. Tous ces doutes allaient être dissipés quand l’année suivante il reçut sa fiche, l’autorisant à subir les examens du Bacc II, puis les différents concours du MJSP, de L’INAGHEI.
Le magistrat Jean Pérès Paul.
L’autre cas qui suscite la curiosité des syndicats de magistrats, est la non certification du magistrat Jean Pérès Paul.
Ce dernier, juge à la cour d’appel de Port-au-Prince, n’a pas été certifié pour absence d’intégrité morale et élargissement de criminels notoires. L’APM et l’ANAMAH n’expriment aucun doute sur la crédibilité du magistrat Pérès, et croient opportun une réévaluation du dossier du magistrat.
Contacté par la Rédaction, le juge Perès n’a pas voulu commenter le processus de certification du CSPJ et dit ignorer ce que le CSPJ lui reproche réellement ; ajoutant qu’il est magistrat indépendant d’esprit et de caractère
Au moment de la rédaction de l’article, notre source au sein du CSPJ a confirmé que le conseil a déjà reçu au moins trois correspondances de magistrats sollicitant audience par devant le conseil. Toutefois le conseiller souligne que la décision du CSPJ n’est pas une sanction disciplinaire mais une sanction administrative qui implique qu’il n’y ait pas de possibilités de recours pour les magistrats sanctionnés.