
Haïti célèbre la Journée internationale des droits des femmes ce 8 mars alors que des tirs résonnent dans plusieurs zones de la capitale et que d’autres quartiers, conquis par des gangs armés, sont désertés par leurs habitants.
Si traditionnellement les organisations féministes et assimilées multiplient les activités pour commémorer cette journée de réflexion sur les droits des femmes, nombre d’entre elles ont été annulées. Elles ont été remplacées par des communiqués de presse, des campagnes en ligne visant à sensibiliser la société haïtienne aux questions de genre dans un contexte de violence généralisée.

« En ces moments de trouble sociaux politiques, « Gran Jipon » est conscient que les femmes et les filles haïtiennes ne jouissent pas de tous leurs droits et nous profitons de cette journée de réflexion sur les droits des femmes pour lancer notre campagne virtuelle autour des droits des femmes », a annoncé l’organisation féministe.
En raison de la recrudescence de l’insécurité en Haïti, caractérisée par la prévalence des gangs armés, notamment à Port-au-Prince et ses environs, des actes de viol et de viols collectifs perpétrés à l’encontre des femmes se sont multipliés. Les familles contraintes de fuir les exactions des bandits se retrouvent à la rue ou dans des abris inadaptés, où leur sécurité reste précaire.

Si les violences sexuelles constituent une arme de guerre, d’intimidation, de contrôle territorial et de domination pour les gangs armés, la présence opérationnelle des organisations œuvrant pour la prévention des violences basées sur le genre (VBG) dans les refuges est soit réduite ou suspendue. La plupart des points de services VBG sont fermés pour des raisons de sécurité et d’accès, déplore l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Le Réseau pour l’Égalité Genre dans l’Action Humanitaire (REGAH) dénonce que plus de 50 % des personnes déplacées sont des femmes, cheffes de famille, victimes de toutes sortes d’abus dans les camps. Une fois de plus, leurs droits ont été oubliés. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), le nombre de déplacés forcés est estimé à plus de 313 901 individus.

Dans un communiqué de presse, la Confédération Nationale des Éducatrices et Éducateurs d’Haïti (CNEEH) dénonce la situation critique dans laquelle se trouvent les écoles publiques, devenues des refuges pour les personnes fuyant les zones de conflit. Cette situation prive les enfants de leur droit fondamental à l’éducation. La CNEEH exprime également sa profonde inquiétude face aux conditions de vie précaires des femmes et des filles dans le pays.
Néanmoins, les gangs armés poursuivent leur progression territoriale en évinçant les forces de l’ordre, commettant des meurtres de policiers, incendiant des commissariats et s’attaquant aux établissements de santé, entraînant leur vandalisme ou l’évacuation de leur personnel médical.

Si la paralysie de la zone métropolitaine de Port-au-Prince se poursuit dans les semaines à venir, près de 3 000 femmes enceintes risquent de ne pas avoir accès à des soins de santé essentiels.
« Près de 450 d’entre elles pourraient souffrir de complications obstétricales potentiellement mortelles sans assistance médicale qualifiée. Environ 521 survivant·e·s de violences sexuelles pourraient se retrouver sans soins médicaux d’ici la fin du mois de mars », selon les prévisions du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).
Face à l’urgence que représente la situation délétère du pays, a expliqué le ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes dans un message paraphé par sa titulaire, le thème national de cette année a été choisi : « Investir dans l’éducation et la formation des femmes pour leur offrir un autre avenir ». Pour le MCFDF, l’éducation et la formation sont des outils indispensables qui permettent aux femmes et aux filles de lutter contre les discriminations fondées sur le genre au sein de la société.

Concrètement, la police peine à faire face aux gangs armés, le bilan des victimes s’alourdit, les avancées obtenues par les femmes dans leur lutte pour le respect de leurs droits au même titre que les lois et la constitution ne sont pas respectées et le gouvernement semble dépassé.
« Nos droits fondamentaux en tant qu’êtres humains ne sont déjà plus respectés. Nous ne sommes plus libres de circuler à notre guise. La crise sociopolitique a aggravé l’insécurité alimentaire. Aujourd’hui même, ce qui m’importe le plus, c’est la situation de ce pays où mon avenir semble si incertain », a déclaré Manoucheka Ambroise, une jeune lycéenne en classe de philo dans un collège à Pignon, une ville du nord du pays.

Dans ce contexte, le Conseil Épiscopal pour Haïti (CEPH) exhorte l’ensemble des parties prenantes de la vie nationale à œuvrer unanimement afin d’intensifier la lutte pour l’égalité, l’équité et la justice sociale pour les femmes et les filles. Le CEPH appelle instamment les autorités à respecter le droit des filles à l’éducation et la formation des femmes pour éradiquer la pauvreté et l’injustice sociale.