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L’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime (ONUDC) a publié, ce vendredi 3 mars, une étude sur le trafic des armes en Haïti en lien avec la détérioration du climat sécuritaire du pays.
« Marché criminels d’Haïti : cartographie des tendances en matière d’armes à feu et trafic de drogue » est le titre de cette étude de l’organisme des Nations Unies.
La violence liée aux gangs en Haïti a atteint des niveaux jamais vus depuis des décennies, selon un rapport du Secrétaire général de l’ONU publié en janvier. Dans le même temps, une augmentation récente des saisies d’armes à feu, ainsi que des rapports de services de renseignement et d’application de la loi, suggèrent que le trafic d’armes à feu vers Haïti connaît une hausse, concède l’ONUDC.
À côté du trafic d’armes, Haïti reste un pays de transbordement pour les drogues, principalement la cocaïne et le cannabis qui entrent par bateau ou par avion dans les ports publics, privés et informels ainsi que par les nombreuses pistes clandestines, précise l’étude.
« En fournissant une évaluation rapide du trafic illicite d’armes à feu et de drogue, cette étude de l’ONUDC cherche à faire la lumière sur les flux de trafic qui bénéficient aux gangs en Haïti et alimentent davantage de violence dans une situation volatile et désespérée, afin d’aider à éclairer les réponses et le soutien au peuple haïtien », a déclaré Angela Me, chef du Service de la recherche et de l’analyse des tendances de l’ONUDC.
L’étude confirme qu’Haïti n’a pas la capacité de surveiller ses plus de 1700 kilomètres de côtes et ses 392 kilomètres de frontière terrestre partagée avec la République dominicaine.
Ce qui prouve l’incapacité de la police nationale, des douanes, des patrouilles frontalières et des garde-côtes qui manquent de ressources et de personnel, et sont eux-mêmes la cible de gangs.
« Le pays ne compte que 181 garde-côtes, et un seul navire en état de fonctionner. De plus, le manque d’effectifs de police est aggravé par leur mauvaise répartition géographique. La plupart des agents sont concentrés dans la capitale, Port-au-Prince, parce qu’ils exercent d’autres emplois, souvent dans la sécurité privée. Les postes-frontières ou les lieux connus comme des lieux de passage habituels des divers trafics sont particulièrement dégarnis. La corruption, l’intimidation permanente illustrée par le saccage de nombreux postes de douane, les départs en chaîne de dirigeants contribuent à affaiblir les forces de l’ordre haïtiennes”, toujours selon le document.
En ce qui a trait au trafic d’armes, l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime pointe du doigt les États-Unis d’Amérique comme provenance de la plupart des armes et munitions qui alimentent l’insécurité en Haïti.
« La plupart des armes à feu et munitions en Haïti proviennent des États-Unis, et en particulier de la Floride. Les armes de poings, vendues entre 400 et 500 dollars américains dans les points de vente légaux aux États-Unis peuvent être revendues jusqu’à 10.000 dollars en Haïti. Les fusils de plus grande puissance, comme les AK47, les AR15 et les fusils d’assaut Galil sont généralement plus demandés par les gangs, ce qui entraîne des prix plus élevés”, révèle l’ONUDC qui ajoute que des armes de calibres de plus en plus élevés, parfois des mitrailleuses lourdes, sont aujourd’hui importées illégalement.
« Les armes sont souvent achetées par des hommes de paille dans les États américains dotés de réglementations souples sur les armes à feu, et sont ensuite transportées en Floride où un réseau complice, souvent composé de membres de la diaspora haïtienne, se charge de les expédier à partir des ports du sud de l’Etat de Floride vers Haïti, cachés dans des conteneurs au milieu d’articles d’importation usuels.
À l’arrivée dans les grandes plaques tournantes comme Port-de-Paix et Port-au-Prince, les cargaisons sont confiées à une multitude d’intermédiaires, poursuit l’enquête de l’organisme onusien.
L’ONUDC déplore l’effet de ce trafic sur les multiples crises haïtiennes notamment sur la hausse des homicides, des enlèvements à répétition dans le pays.
Dans cette étude, l’ONUDC ajoute que des armes à feu, des munitions et des pièces peuvent être importées légalement par les agences de sécurité publique et les sociétés de sécurité privées. Bien qu’Haïti soit soumis à un embargo américain, plusieurs amendements permettent l’exportation de certaines armes à feu et munitions aux forces de sécurité haïtiennes.
Le rapport note par ailleurs que les États-Unis ont également augmenté leur soutien à la Police nationale haïtienne de 2,8 millions de dollars en 2016 à plus de 12,4 millions de dollars en 2020.
L’assistance directe et le soutien à la formation sont souvent fournis par des intermédiaires et des fournisseurs établis, précise le rapport de l’ONUDC qui ajoute qu’en 2022, les États-Unis et le Canada ont élargi de nouveaux engagements, y compris des fournitures militaires et policières.
Cependant, en raison de la faiblesse de la surveillance et des contrôles, les armes et les munitions sont périodiquement détournées et remises en circulation sur les marchés civils par des policiers ou des employés de sécurité.
En conclusion, cette étude recommande aux partenaires internationaux, régionaux et les autorités haïtiennes d’accroître leur soutien à l’application de la loi et à la gestion des frontières en Haïti, d’approcher la question de sécurité de manière générale, englobant des investissements dans la police de proximité, la réforme de la justice pénale et la lutte contre la corruption.
La publication de cette enquête intervient dans un contexte de dégradation totale du climat sécuritaire du pays, où les cas d’enlèvements sont en nette progression et des bandits armés attaquent régulièrement des quartiers, chassant ainsi les riverains qui ne savent où se réfugier.