Le Docteur Jean Patrick Alfred remporte le prix OPS/OMS, une grande première pour Haïti
Face aux gangs, Washington brandit le chantage des visas pour forcer l’unité politique en Haïti
Le sous-secrétaire d’État américain, Christopher Landau, a adressé un avertissement sans détour aux acteurs politiques haïtiens : les États-Unis ne toléreront plus les luttes intestines ni les stratégies d’influence qui paralysent l’État pendant que les gangs continuent d’étendre leur emprise. Face à l’escalade de violence observée ces derniers jours notamment des appels à la « guerre ouverte » contre le gouvernement central Washington presse les dirigeants haïtiens de s’unir contre la menace commune. Le message est limpide : toute personne entravant les efforts de stabilisation s’expose à des sanctions, à commencer par la révocation de visas.
Cette pression directe, qualifiée par certains de véritable chantage diplomatique, s’inscrit dans la continuité de la stratégie américaine envers Haïti. Depuis deux ans, Washington et Ottawa ont multiplié les sanctions contre des personnalités influentes accusées de financer ou de soutenir les gangs, ou encore d’alimenter la corruption. Parmi les figures ciblées figurent Michel Martelly, Youri Latortue, Rony Célestin, Hervé Fourcand, mais aussi des acteurs du secteur privé comme Raymond Desir (Raymond Deeb), inscrit sur la liste américaine pour trafic d’armes et soutien logistique à des groupes armés. Gel d’avoirs, restrictions financières, interdictions de voyage : ces mesures ont profondément rebattu les cartes au sein des élites haïtiennes.
L’avertissement de Landau intervient cependant à un moment critique. Le mandat du Conseil présidentiel de transition (CPT) arrive à échéance le 7 février prochain, et des discussions en coulisses dénoncées par plusieurs organisations de la société civile laissent entendre que certains conseillers envisageraient de prolonger leur présence au pouvoir. Un scénario que Washington voit d’un très mauvais œil : une telle manœuvre risquerait de raviver les tensions internes alors que la lutte contre les gangs exige une cohésion politique minimale.
La position américaine trahit une forme d’exaspération. Après des années de dégradation continue, Haïti s’enfonce dans une spirale où les gangs dictent leurs règles, défient ouvertement l’État et menacent les institutions de transition. En réactivant l’arme du visa, levier puissant auprès d’une classe politique largement tournée vers l’étranger, Washington mise sur une pression ciblée pour forcer les dirigeants à mettre de côté leurs rivalités. Reste à savoir si cette stratégie — de plus en plus perçue comme un instrument de coercition internationale — suffira à provoquer l’unité politique réclamée par Landau, alors que le pays glisse chaque jour davantage vers l’ingouvernabilité.