
Dans une interview exclusive accordée à AyiboPost, le président de Sunrise Airways, Philippe Bayard, a vivement réagi à l’arrivée potentielle de nouvelles compagnies aériennes étrangères sur le marché haïtien, en particulier Aruba Airlines, qu’il accuse de vouloir opérer illégalement entre Haïti et les États-Unis.
« Aucune compagnie aérienne qui ne soit ni haïtienne ni américaine ne peut entrer en compétition avec Sunrise Airways sur ce trajet », affirme M. Bayard.
Selon lui, seuls les transporteurs officiellement enregistrés en Haïti ou aux États-Unis sont habilités à desservir cette ligne. Une position qui soulève de sérieuses interrogations : quelles sont réellement les marges de manœuvre d’une compagnie privée dans la régulation de l’espace aérien haïtien ?
Une opposition ciblée à Aruba Airlines
Sunrise ne cache pas son opposition directe à Aruba Airlines, qui cherche à obtenir les autorisations nécessaires pour relier Haïti aux États-Unis. Aux yeux de Philippe Bayard, cette compagnie « n’a aucune légitimité » à proposer cette liaison, n’étant enregistrée ni en Haïti, ni aux États-Unis.
Mais derrière les arguments réglementaires se profile une autre réalité : la crainte de la concurrence dans un marché stratégique. Malgré les déclarations de son président, Sunrise semble vouloir maintenir une forme de contrôle sur une route aérienne vitale, tant sur le plan économique que géopolitique.
« Nous ne voulons pas de monopole », assure Bayard… mais les faits racontent parfois une autre histoire.
Un service critiqué, mais protégé ?
Sunrise Airways, seule compagnie haïtienne de transport aérien d’envergure, fait pourtant l’objet de nombreuses critiques : retards à répétition, tarifs prohibitifs, retards ou pertes de bagages… Autant de griefs exprimés régulièrement par les passagers, surtout en période de crise sécuritaire.
Interrogé sur un éventuel soutien de l’État, M. Bayard précise que Sunrise n’a reçu « aucun montant direct en termes d’assurance », mais bénéficie d’une lettre de crédit qui couvrirait certains frais en cas d’accident. Un soutien indirect qui, là encore, questionne sur la frontière entre partenariat public-privé et favoritisme déguisé.
Un marché à ouvrir ?
Les propos de Philippe Bayard posent plusieurs questions de fond :
- Une compagnie privée peut-elle décider qui a le droit d’opérer dans le ciel haïtien ?
- Où s’arrête le rôle de l’État régulateur dans un secteur aussi stratégique ?
- L’absence de concurrence réelle est-elle acceptable alors que le transport aérien devient vital, faute de routes sûres ?
Dans un pays où se déplacer par voie terrestre relève parfois du parcours du combattant, le ciel haïtien ne peut rester l’apanage d’un seul acteur. L’État haïtien devra tôt ou tard trancher : garantir l’ouverture du marché ou maintenir un statu quo qui, pour de nombreux usagers, ressemble à un monopole maquillé.