Haïti fait face en ce début d’année 2023 à une crise sociopolitique persistante, marquée par l’insécurité qui continue sa course sanglante. Avec la fin du mandat du dernier tiers du Sénat, aucun élu n’est actuellement en poste et l’exécutif est dirigé par une seule et même personne, contrairement aux prescrits de la Constitution.
De plus en plus livrée à elle-même la population ne sait plus à quel saint se vouer. Les cas de kidnapping se multiplient, les assassinats s’intensifient et même les agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) n’en sont pas épargnés.
S’il est difficile de faire totalement abstraction des drames entremêlés qui se déroulent dans le pays, certains membres de la population ont choisi de mettre entre parenthèses les maux qui les affligent et faire comme s’ils n’existait pas en priorisant les festivités carnavalesques.
Le gouvernement ne compte pas organiser de carnaval national, comme l’a si bien annoncé la ministre de la culture et de la communication, Emmelie Prophète Milcé, les mairies sont en ce sens invitées à organiser les festivités carnavalesques dans leur commune.
Dans plusieurs communes, particulièrement Port-au-Prince, Jacmel et Ouanaminthe, les festivités pré-carnavalesques ont été lancées. De la peine infligée par l’insécurité instaurée par les bandits, aux plaisirs carnavalesques, la transition s’est faite très rapidement.
La semaine allant du lundi 16 au dimanche 22 janvier 2023 a été très meurtrière. Des cas liés à l’insécurité généralisée ont été signalés un peu partout, dont à Port-au-Prince.
Le mardi 17 janvier, deux policiers affectés au poste de police dénommé Cafétéria, ont été attaqués par des bandits armés, blessant l’un d’entre eux tandis que l’autre est porté disparu. Ce même jour, plusieurs personnes ont été enlevées dans la région métropolitaine, dont Fabiola Dupoux Léger, sœur du maestro David Dupoux. Mais bien avant cela, les festivités pré-carnavalesques ont été lancées dans plusieurs communes, depuis deux jours.
Jacmel, réputée pour son carnaval à travers sa créativité, son artisanat, ses déguisements, et la fierté qu’elle procure n’entend pas faire marche arrière.
Le dimanche 15 janvier dernier, la mairie et le comité désigné ont lancé la 31e édition du carnaval sous le thème: « Ansanm, yon lòt Jakmèl posib ».
Ouanaminthe n’est pas restée indifférente et a lancé elle aussi les festivités le même jour sous le thème: « An n pote kole pou yon lòt Wanament ». D’autre part, des activités ont été organisées à Port-au-Prince où des bandes à pied et des Disc Jockey (DJs) ont défilé pour mettre de l’ambiance. La semaine s’est déroulée sur une note triste mais a quand même laissé de la place au carnaval.
Vendredi 20 janvier 2023, la capitale a été sous le choc. Selon une note de la PNH, au moins 5 policiers sont sortis victimes après avoir apporté assistance à un citoyen en danger. Parallèlement, à Croix-des-Bouquets, la pagaille continue, les balles n’arrêtent pas de chanter. Jusqu’au samedi 21 janvier, les bandits ont encore dicté leurs lois, faisant plusieurs victimes. Ce qui n’a pas empêché les carnavaliers d’investir les rues pour se défouler ce dimanche 22 janvier. Dans une ambiance folle et sous l’animation des bandes à pieds et des DJs, ils ont festoyé à en couper le souffle.
Danser le dimanche pour affronter les mêmes problèmes de la cherté de la vie, de la rareté du carburant et de l’insécurité au lendemain ne semblent alarmer nullement les haïtiens. Et cela risque de perdurer jusqu’après le mardi gras.