Depuis son adoption en 1987, la loi mère du pays a été violée et torpillée par des acteurs politiques en fonction de leurs intérêts particuliers. Du Référendum de 1986 en passant par l’amendement contesté de 2011 jusqu’aux tentatives de nouvelle Constitution de l’ex président Jovenel Moïse, sans compter les problèmes d’application dont elle est l’objet, la constitution de 1987, 36 ans après est toujours debout.
Le 29 Mars 1987 plus d’un million de personnes avait répondu à l’appel de l’assemblée constituante pour l’adoption d’une nouvelle constitution. Dans ce référendum, 99.8 % des participants ont voté OUI pour la nouvelle constitution. Par cet acte, la population haïtienne avait définitivement sonné le glas de la dictature des Duvalier, et jeter les bases d’une nouvelle société démocratique, inclusive et participative.
De l’espoir au désenchantement
La constitution de 1987 qui a consacré la fin de la dictature est porteuse d’un projet, celle d’un nouvel État garant et respectueux des droits des personnes et des libertés fondamentales. L’espoir de la construction d’une société démocratique à travers la constitution de 1987 allait être de courte durée, en effet environ une année après son adoption, la charte fondamentale de la nation haïtienne allait être écartée par le Général Henry Namphy lors du coup d’état contre Lesly Manigat.
Henry Namphy allait proposer la rédaction et l’adoption d’une nouvelle constitution.
En septembre 1988, quand Prosper Avril a chassé Henry Namphy du pouvoir, la loi mère a essuyé un nouveau revers, le Général Avril allait mettre en veilleuse une série d’articles de la constitution de 1987, ces articles étaient incompatible avec le régime militaire qu’avait instauré Prosper Avril.
La Constitution de 1987 allait être rétablie intégralement dans ses prérogatives par la Présidente Ertha Pascal Trouillot en 1990. La charte de 1987 permit la réalisation des élections de 1990 ayant conduit Jean Bertrand Aristide à la Présidence d’Haïti.
La violation de la constitution de 1987 allait se poursuivre sous la présidence d’Aristide. À ce propos, le journaliste Lemoine Bonneau souligne que l’une des violations constitutionnelles la plus flagrante du Président Aristide a été la démobilisation des Forces Armées d’Haïti alors que la constitution de 87 prévoit deux forces publiques, la PNH et les FAD’H.
Entre décalage du temps électoral et temps constitutionnel dû aux retards enregistrés dans la réalisation des élections. La non mise en place des institutions, prévue dans la constitution, notamment le Conseil Électoral Permanent, des difficultés dues à l’établissement et aux fonctionnements des collectivités territoriales poussent des acteurs politiques et de la société civile à évoquer la nécessité d’amender la loi mère du pays au début des années 2000.
Certaines personnalités dont Mirlande Manigat, Constitutionnaliste, présidente de l’HCT y voit dans la constitution de 1987 une source d’instabilité et proposent en ce sens l’adoption d’une nouvelle constitution plus adaptée à la réalité haïtienne.
Le président René Preval a enclenché le processus d’amendement constitutionnel en 2009, voté le 9 mai 2011 au Parlement, près d’un mois plus tard soit le 3 juin 2011, le Président Michel Martelly a pris un arrêté pour annuler l’acte de promulgation fait par son prédécesseur René Préval. Une décision prise parce que l’amendement publié ne correspondait pas à celui qui avait été voté au parlement.
Juin 2012, nouvel épisode dans la polémique liée à l’amendement de la constitution de 1987, l’administration du Président Martelly avec l’aval des trois pouvoirs de l’État a décidé de reproduire le texte amendé de la constitution pour « erreurs matérielles ». Le 19 juin 2012 le texte amendé, tel qu’il a été voté au parlement a été publié au journal officiel Le Moniteur mettant fin aux débats, depuis lors Haïti est sous l’égide de la constitution de 1987 amendée.
La nécessité d’une nouvelle constitution ?
Plusieurs acteurs politiques et de la société civile s’accordent à dire que la constitution de 1987 est source d’instabilité et ne correspond pas à la réalité du pays. Parmi les faiblesses de la Loi-Mère , on souligne la question de la durée des mandats des élus, pourquoi pas un mandat de 5 ans pour tous les élus pour éviter le nombre des élections.
D’autres personnalités comme l’ex Sénateur Kedelaire Augustin pose le problème du régime politique qu’il estime être un régime parlementaire de ce fait accordant beaucoup trop de pouvoirs aux parlementaires ce faisant, cette situation a créé un déséquilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et génère des difficultés de cohabitation entre la Présidence et la Primature.
L’ex Président Jovenel Moïse parlant de la constitution de 1987 en octobre 2020 a tranché « Cette constitution est source de division et inadaptée à la réalité haïtienne, elle est comme un pacte de corruption signée entre une catégorie de gens dans le pays. Le pays mérite une constitution moderne adaptée aux exigences et aux défis qui attendent la nation aux XXIe siècle ». L’ancien chef d’Etat avait souligné que la population aurait à se prononcer sur cette nouvelle constitution dans le cadre d’un Référendum.
Pour y parvenir le Président Jovenel Moïse campe un conseil consultatif indépendant CCI présidé par Alexandre Boniface qui de octobre 2020 à septembre 2021 à travailler sur l’élaboration du nouveau texte constitutionnel. Le 8 Septembre 2021 le texte de la nouvelle constitution a été remis au gouvernement du Premier Ministre Ariel Henry.
Pour les 36 ans de la constitution de 1987, le pays se trouve dans un vide institutionnel sans précédent, avec un exécutif monocéphale, un parlement inexistant, une cour de cassation contestée, les autorités étatiques et les alliés n’ont jamais rater une occasion de rappeler que l’adoption d’une nouvelle constitution est l’une des conditions sine qua non à la tenue des prochaines élections.