
La Police nationale d’Haïti (PNH) célèbre ce jeudi 12 juin son 30e anniversaire. Créée en 1995 après la dissolution des Forces armées d’Haïti, elle avait pour mission de garantir l’ordre, la sécurité publique et les droits humains. Trente ans plus tard, l’heure est au bilan, dans un contexte marqué par une insécurité grandissante et des défis persistants.
Trente ans. Trois décennies. Un anniversaire qui aurait dû marquer la maturité d’une force publique consolidée, respectée, garante de l’ordre et de la sécurité. Mais au moment du bilan, les bougies allumées pour la Police nationale d’Haïti (PNH) éclairent davantage les zones d’ombre que les réussites. Ce trentième anniversaire est traversé par un mélange amer de déception, de frustration… et, malgré tout, de fierté.
Créée en 1995, la PNH est née d’une promesse : rompre avec les pratiques répressives de l’ère des Forces armées d’Haïti, instaurer une police républicaine, proche du peuple, protectrice des droits humains. Mais cette ambition s’est heurtée, au fil des ans, à une réalité de plus en plus brutale. Le pays s’est gangréné. Aujourd’hui, plus de 80 % de la région métropolitaine de Port-au-Prince est sous contrôle de gangs lourdement armés, souvent mieux équipés que les forces régulières. Des quartiers entiers sont devenus des zones interdites. Des milliers de familles vivent en errance, déplacées internes, victimes invisibles d’une guerre que personne ne veut nommer.
La violence endémique a transformé Haïti en un théâtre d’angoisse quotidienne, où le bruit des balles a remplacé celui des écoles, où les sirènes de police sont couvertes par les cris des mères. Les policiers tombent, les civils tombent, les espoirs aussi. Dans les commissariats, le désespoir gronde : agents mal payés, mal équipés, souvent livrés à eux-mêmes. Beaucoup se sentent abandonnés par une classe politique sourde à leur détresse. Le sentiment de trahison est profond : comment exiger le sacrifice sans offrir la reconnaissance, le respect, la protection ?
Et pourtant, au milieu du chaos, subsistent des flammes qui refusent de s’éteindre. Des femmes et des hommes, en uniforme ou en civil, continuent de lutter avec dignité et courage. Ils patrouillent, interviennent, sauvent des vies au péril des leurs. Ils ne gagnent peut-être pas toutes les batailles, mais limitent les dégâts, freinent l’effondrement. Cette résilience est une source de fierté pour un peuple qui refuse de sombrer dans l’indifférence.
La PNH, malgré ses limites, reste l’un des derniers remparts face à l’effondrement généralisé de l’État. Elle est un symbole imparfait, mais vital. Elle incarne ce qu’Haïti pourrait être : une société qui lutte, qui résiste, qui espère encore. Elle est à la fois le miroir de nos échecs collectifs et le témoignage de notre capacité à nous relever.
Trente ans après, l’heure n’est ni à la fête, ni au triomphalisme. Mais elle ne doit pas non plus céder au cynisme. Ce triste anniversaire doit être un électrochoc. Il doit nous pousser à agir, à repenser, à reconstruire. À redonner à la police les moyens de sa mission. À exiger des autorités qu’elles assument, enfin, leurs responsabilités. Pour que dans dix ans, on puisse dire, cette fois avec plus de certitude : oui, la PNH est notre fierté. Car Haïti ne peut plus se permettre de perdre. Ni elle, ni nous.