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La crise pluridimensionnelle à laquelle fait face le pays n’est pas sans conséquence sur le bon fonctionnement de l’enseignement supérieur en Haïti. La plupart des universités du pays accusent une diminution considérable du nombre des postulants désireux d’intégrer le monde universitaire. Face à cet état de fait alarmant, certaines universités envisagent même de suspendre leurs activités faute de moyen de fonctionnement.
Haïti connaît l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Après la politique, l’économie et le social, c’est au tour du système éducatif de toucher le fond, signe d’une société en déroute.
La situation générale du pays n’est propice à rien, même pas à l’éducation, du coup une seule alternative s’impose : l’émigration. Fuir à tout prix pour sauver sa peau tant qu’il est encore possible, abandonner sa terre natale de peur de payer les frais du phénomène de l’insécurité, tel un Léviathan n’épargnant personne.
Plus d’espoir, la messe est dite pour Haïti. Plus rien n’est possible, la situation, pour certains, ne fera que s’empirer jusqu’à provoquer un cataclysme social pire que celui-ci ne cessant de contraindre ses filles et fils à renoncer à vivre dans le pays.
Haïti regorgeant majoritairement de jeunes, connaît une nouvelle étape de sa crise sans précédent, l’enseignement supérieur est la nouvelle victime de cette crise telle une bête cruelle dont la soif de sang n’a aucun étanchement.
Immigration de masse, exode des professeurs vers l’étranger, inflation démesurée, crise économique et politique sans précédent, le pays vit une descente aux enfers inquiétante et les jeunes sont de moins en moins tournés vers des études universitaires. Ils préfèrent émigrer en quête d’un mieux-être. Cette situation ne fait qu’avilir encore plus un système éducatif qui peinait à remplir ses fonctions.
Déficit d’étudiants dans les Universités, des responsables dépassés
Les jeunes n’envisagent plus leur avenir dans le pays. Du coup, de moins en moins sont intéressées par des études supérieures. Et qui dit moins d’étudiants dit de moins en moins de moyens et des difficultés de payer les professeurs et autres personnels et assurer le fonctionnement normal des institutions.
« Nous sommes obligés de choisir des candidats dont le niveau académique est relativement moins élevé », a déploré Dieuseul Predelus, un responsable de l’École Normale Supérieure cité par Ayibopost. Et pourtant les concours au niveau de l’UEH étaient jadis l’apanage des étudiants mieux préparés dont les bagages académiques ne laissaient guère à désirer.
Des chiffres révélés par le rectorat de l’université d’État font état d’une diminution de 50% quant aux postulants aux concours d’admission des différentes entités de l’UEH. Pour un cumul des 21 entités de la plus grande Université du pays en guise de comparaison, l’on recense 29.209 inscrits pour l’année académique 2022-2023 contre seulement 14 486 pour l’année académique 2023-2024.
L’université d’État d’Haïti n’est pas la seule institution d’enseignement supérieur affectée par cette crise d’effectif. Des universités privées sont également au bord du précipice.
« Des salles de cours qui avaient auparavant 80 à 100 étudiants arrivent difficilement à 30 aujourd’hui », a indiqué Nancy Durané responsable des affaires académiques de l’Université de Port-au-Prince (UP) citée par Ayibopost.
Qui pis est, l’université Quisqueya, une autre université privée du pays, envisage au cas échéant de fermer tout bonnement ses portes en raison du faible nombre d’étudiants et du manque d’argent.
La CORPUHA tire la sonnette d’alarme
Le nombre de jeunes qui quittent Haïti pour aller dans d’autres pays a un grand impact sur le secteur de l’enseignement supérieur, selon le Président de la Conférence des Recteurs et Présidents des Universités Haïtiennes (CORPUHA), Jean Robert Charles dans le cadre d’une interview accordée à la Rédaction, le jeudi 23 novembre 2023.
Le professeur Charles estime qu’entre octobre et novembre 2023, plus de 31.000 jeunes ont quitté le pays passant par le Nicaragua pour atteindre le Mexique en vue de fouler le sol américain.
Plus globalement, le titulaire de la CORPUHA souligne qu’il y a plus de 60 000 jeunes qui ont quitté le pays depuis le début de la crise en 2018.
En effet, le président de la CORPUHA déclare avoir identifié plusieurs moments dans la crise d’effectif à laquelle l’enseignement supérieur est confronté. La première phase a débuté entre 2018 et 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 et des épisodes de « Pays lock », a expliqué le responsable qui ajoute que la deuxième phase se trouve entre la période de 2021 à 2023 qu’il qualifie d’une hémorragie.
Questionné sur les causes de cet exode massif particulièrement de jeunes, le numéro 1 de la CORPUHA a évoqué le phénomène de l’insécurité galopante, l’instabilité politique qui fait rage et la précarité économique auxquels le pays est confronté.
Le président de la Conférence des recteurs et président des universités haïtiennes, Jean Robert Charles, a indiqué par ailleurs que le secteur de l’enseignement supérieur fournit pourtant au moins 50 mille emplois directs. Un véritable coup de pouce pour l’économie nationale selon lui.
Du coup, il déplore le nombre d’enseignants qui ne cessent de quitter le pays en raison de mauvaises conditions de travail et de l’incontournable phénomène de l’insécurité qui touche incessamment le secteur.
« La crise d’effectif qui affecte le secteur de l’enseignement supérieur aggravera encore plus la crise économique en raison de l’augmentation du chômage dans le pays », a alerté le professeur Jean Robert Charles.
Tant vaut l’école tant vaut la nation dit-on, donc cette plongée significative du taux de jeunes s’adonnant à l’enseignement supérieur devrait avoir de graves répercussions sur l’avenir du pays.