Des milliers d’haïtiens ont été piégés par des promesses d’investissements lucratifs dans le monde de la crypto-monnaie faites par des adeptes de la plateforme CQR, (Crypto Currency Quant Robot).
Après plusieurs mois de service, cette plateforme s’est envolée ce jeudi 20 avril avec les économies de ses membres. Le site est désormais inaccessible.
Des victimes racontent…
Mise en place en novembre 2022, la plateforme CQR a piégé plusieurs milliers de victimes, attirées par des promesses d’investissements lucratifs.
Ce sont de soi-disant « bons plans » qui se transforment en mauvaises affaires, et parfois en drames. Sur TikTok, Instagram, YouTube et Twitter, les arnaques aux faux placements pullulent. Le procédé est presque toujours le même. Les escrocs appâtent les victimes sur internet avec des promesses de rendements alléchants.
La plateforme CQR, (Crypto Currency Quant Robot) est le cas le plus récent en Haïti, alors que des milliers d’haïtiens y ont investi des milliers de dollars américains.
Pour s’inscrire, il fallait recevoir un lien d’invitation, un numéro de téléphone ; une adresse électronique en fonction et un mot de passe. Le dysfonctionnement de cette plateforme est une douche froide pour plusieurs victimes.
« Je me suis réveillé ce matin pour réaliser que CQR a disparu. C’est le choc », a alerté Robinson sur Facebook.
Beaucoup d’haïtiens ont été séduit par les explications de certains de leurs proches, ayant déjà utilisé un plan de la plateforme.
« J’ai été invité par un camarade de la faculté qui l’utilise depuis plusieurs semaines. Il m’avait encouragé à investir pour en tirer profit », explique Robinson qui poursuit « après plusieurs heures d’échanges, je me suis engagé et à emboîter le pas. Au début, tout allait bien et cela nous a poussé à investir davantage ».
Le cas de Robinson n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
« Les amis, aidez-moi. J’ai la diarrhée. L’argent que j’ai investi appartenait à la mère de ma copine. Elle me l’avait confié en vue de louer un appartement. Vous savez, j’ai investi une bonne partie de l’argent dans un plan à 210 dollars, je ne peux m’empêcher de pleurer. Je ne sais plus quoi faire », s’alarme Diego.
« J’avais de l’argent dans mon coffre-fort. J’ai d’abord investi une partie qui a bien marché. J’ai voulu en gagner plus, alors j’ai investi l’intégralité de mon coffre-fort. J’ai perdu tout mon argent », confie Marie, au bout du fil, la voix tremblotante. Elle explique avoir fait un plan se chiffrant à plus de 3 000 dollars américains, ce qui équivaut à environ 500 000 gourdes.
Les témoignages les uns plus poignants que les autres traduisent un manque d’éducation financière des Haïtiens et l’absence de législation en la matière.
Toutefois, quand les victimes se rendent compte du problème, il est trop tard. Des sommes sont perdues, et les escrocs envolés.
Le préjudice économique lié à ces arnaques en ligne pourrait se chiffrer à hauteur de plusieurs milliers de dollars selon certaines estimations. Des victimes avaient remué ciel et terre pour trouver de quoi s’offrir un meilleur plan chaque mois. Sur les plateformes regroupant les utilisateurs, la consternation, la détresse et la stupéfaction sont à leur comble.
« Moi, j’ai investi l’argent du loyer de ma maison dans le but d’empocher plus d’argent. Je ne sais pas ce que je vais faire, ma femme n’était pas au courant », se lamente Robert.
Jacques est banquier, il confie : « Ça marchait très bien pour moi. J’avais contracté un prêt pour investir. Tout est parti en fumée. »
Le professeur Blair Chery a abordé la question dans son article intitulé Cybercriminalité, législation en Haïti : état des lieux et perspectives publié par Ayibopost.
Toutefois, M. Blair croit qu’Haïti n’est pas totalement dépourvu d’outil légal en ce sens. Pour lui, « Le régime juridique de la propriété intellectuelle donne une base légale à la protection des programmes conçus sur ordinateur (décret-loi du 12 octobre 2005 arts.2 et 3), des brevets (loi du 14 décembre 1922), des marques de fabrique et de commerce (décret du 28 août 1960)».
La contrefaçon sur internet est aussi prise en compte par le Code pénal en ses articles 347 et 351.
En ce sens, la mise en circulation d’une œuvre contrefaite sur le réseau internet est punissable (art.54 décret-loi 12 oct. 2005). Blair Chery assure aussi que même l’article 337 du Code pénal a des dispositions légales pour condamner une personne coupable de phishing.
Ce qui est certain, selon le professeur, c’est que l’adaptation du droit pénal haïtien doit passer par l’extension à certaines infractions liées aux NTIC et la création de nouvelles formes d’incriminations.
Actuellement, les préoccupations des victimes restent à l’interne. Aucun regroupement n’a été formé pour déposer plaintes. Les victimes ne semblent avoir aucune idée de comment entreprendre de telles démarches et parvenir à son aboutissement. Entre-temps, la plaie est béante et la détresse est à son comble.