Éminent chercheur et responsable des Centres Gheskio, le Dr Jean William Pape a exprimé ses vives préoccupations face au risque d’éclatement d’une guerre civile en Haïti. Ainsi, le médecin réitère son appel à une intervention urgente de la communauté internationale et dénonce le manque de volonté des acteurs politiques haïtiens.
Dans cette interview accordée aux confrères de la Radio Magik 9 le vendredi 2 juin 2023, le Dr Pape a présenté les grandes lignes de son cri d’alarme lancé à la communauté internationale, paru dans les colonnes du journal américain le New York Times la veille de son intervention à l’émission Panel Magik.
Le Dr Jean William Pape a présenté un tableau sombre de la situation en Haïti, caractérisée par la détérioration du climat sécuritaire du pays, des entreprises qui tombent en faillite en raison de l’insécurité et des difficultés d’approvisionnement, l’augmentation des cas de malnutrition sévère chez les enfants et par-dessus tout, la fuite des cadres les mieux formés du pays notamment ceux de la santé à travers le Programme Humanitaire Parole de l’administration Biden.
Ainsi, le Dr Jean William Pape a attiré l’attention de la communauté internationale sur les dangers que représente le mouvement populaire baptisé « Bwa Kale ».
« Les Haïtiens, désespérés par le changement, se tournent vers les groupes d’autodéfense en guise de représailles contre les groupes armés. Si rien n’est fait, l’escalade de la violence pourrait nous plonger dans une guerre civile. Les Haïtiens appellent à l’aide. La communauté internationale sera tout aussi responsable d’un éventuel génocide en Haïti », a-t-il souligné.
Face à la persistance de la crise et le manque de volonté des acteurs, le Dr Pape croit que les haïtiens ne pourront pas surmonter cette crise sans une intervention étrangère.
« Au cours des derniers mois, il m’est apparu que les haïtiens ne peuvent pas y arriver seuls, sans une intervention étrangère », a-t-il soutenu.
Le médecin sollicite donc l’assistance de la communauté internationale à la Police nationale, une institution en manque de matériels et d’effectifs, a-t-il rappelé.
« Nous avons besoin d’une force internationale expérimentée pour soutenir et former notre police nationale et assurer la sécurité pendant que nous travaillons à la reconstruction de notre gouvernement. L’investissement international dans les programmes sociaux est essentiel pour offrir aux jeunes adultes susceptibles d’être recrutés par les gangs, l’alternative d’emploi durable. Il est également essentiel que l’administration Biden mette un terme à l’exportation illégale d’armes des États-Unis vers les gangs haïtiens, la principale source d’armes en Haïti », a déclaré le médecin au New York Times.
« Sans cette aide extérieure, de nombreuses autres personnes mourront. Nous demandons à la communauté internationale d’agir immédiatement pour nous aider. Nous ne pouvons pas laisser Haïti disparaître en silence. Le temps presse», a-t-il déclaré.
Par ailleurs, le directeur et fondateur des Centres Gheskio critique les politiciens qui, dit-il, n’ont pas de conviction sur ce qu’ils veulent vraiment pour Haïti.
« Les politiciens haïtiens sont le premier obstacle à la résolution de la crise multiforme qui sévit dans le pays », a-t-il fait remarquer.
Il importe de rappeler que des acteurs politiques, du gouvernement et de la société civile sont attendus à la Jamaïque du 11 au 13 juin prochain pour débattre de la crise haïtienne, une initiative de la CARICOM.