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La ville des Gonaïves abrite l’une des prestigieuses institutions du pays : l’École de Droit et des Sciences Économiques des Gonaïves (EDSEG). Nonobstant les problèmes structurels et conjoncturels auxquels elle fait face, l’EDSEG contribue à la formation de jeunes cadres, dans un pays où l’écart se creuse de plus en plus entre l’offre et la demande dans le secteur éducatif notamment.
Outre cette noble mission qu’elle remplit depuis le 7 novembre 1912, date de sa fondation, l’EDSEG a participé, tant bien que mal, grâce à ses milliers d’étudiants, au développement socioéconomique de cette ville historico-politique.
Traditionnel séminaire de mise à niveau, examens intra et final, soutenances, reprises des examens…, les rendez-vous ne manquent pas chaque année pour les étudiants venus des autres villes du pays. Leur présence est un atout majeur pour le secteur économique de la ville. Les chauffeurs de taxi motos, les bars, les night clubs, les restaurants, les responsables des hôtels, les chauffeurs de transport en commun… peuvent en témoigner.
Cependant, au cours des deux dernières années, on assiste au déclin poussé de l’EDSEG. Les étudiants sont en reflux par rapport aux années antérieures. Cette situation est due, non seulement à un bras de fer opposant le Rectorat et les dirigeants de cette entité, mais surtout à la prolifération des groupes armés qui empêchent la libre circulation des personnes et des marchandises dans plusieurs axes routiers importants du pays.
Martissant, Canaan, kafou Pèy, Lacroix Périsse, Croix-des-Bouquets, Laboule, Routes de Frères, Cité-Soleil, Ti Bwadòm … Les routes que les étudiants empruntent d’habitude pour se rendre dans la ville des Gonaïves, sont parsemées d’embûches en raison de la présence quasi-constante de civils lourdement armés qui sèment la terreur.
Conséquences de cette situation
Les conséquences sont multiples. Certains étudiants ont été contraints de fermer leur dossier, d’autres ont tout simplement abandonné leurs études après deux ou trois ans de travail acharné. Dépense d’énergie, d’argent, de temps… ils ont tout perdu.
Au sein de l’université, dans les hôtels, dans le rang des petits détaillants qui étalent leurs produits devant la rentrée des locaux de la fac, les chauffeurs de transport en commun assurant le trajet Port-au-Prince-Gonaïves, dans certaines boîtes de nuit, l’absence des étudiants se fait sentir et pèse très lourd.
Pendant la période des examens, les activités sont surchauffées dans le quartier où est logée l’EDSEG, mais également dans la ville toute entière.
« Je vends du pain, du jus, de la figue banane aux étudiants. J’écoule plus facilement mes produits au moment des examens ou durant les séminaires C’est la même réalité pour les autres marchands qui occupent cet espace. Les étudiants nous ont beaucoup aidés », a expliqué Marie qui se positionne dans cette zone depuis 5 ans.
« L’EDSEG et ses étudiants m’ont permis de réaliser d’énormes progrès » a-t-elle ajouté.
« Malheureusement le nombre d’étudiants a diminué considérablement en raison de la recrudescence des actes d’insécurité. Ils ne veulent pas prendre de risque pour venir aux Gonaïves. Ce n’est plus la même ambiance. Ceux qui ont quand même bravé les dangers n’ont pas assez de moyens. Ils achètent moins », a expliqué cette mère de trois enfants.
Les entreprises qui se trouvent dans la zone périphérique de l’école dépendent en grande partie des étudiants venus d’ailleurs.
« La réduction du nombre d’étudiants a et aura un impact majeur sur tous les sphères d’activités génératrices de revenus », a affirmé Marie.
Conséquences académiques
« Nous étions 6 à intégrer l’EDSEG en 2019. J’habite à carrefour et j’étais le premier à abandonner mon rêve puisque la rentrée Sud de la capitale est occupée par des individus armés qui dictent leurs lois », a expliqué Abellard Junior Eddy qui se rappelle de ses premiers jours de classe dans un annexe au Bicentenaire, devenu zone rouge aujourd’hui.
Vivant respectivement à Croix-des-bouquets, Fontamara, Laboule et Bel’Air, Azolin, Peterson, Nava, et Rosemine se sont vus obligés, eux aussi d’abandonner leurs rêves de devenir Juriste, pour la même cause, a regretté Abellard Junior.
« Je connais d’autres étudiants qui ont pris cette même décision. Ils étaient en 2ème, 3ème voire en 4ème année de Sciences Juridiques », a déclaré Abellard, affirmant que c’est une véritable perte, non seulement pour l’EDSEG, mais aussi pour le secteur économique de la ville qui bénéficient des retombées économiques.
“Tant sur le plan éducatif, social et économique, l’insécurité a tout gâché”, a martelé l’ancien étudiant de la 3ème année.
L’augmentation des actes de banditisme est un coup de massue de trop porté contre l’EDSEG et la ville des Gonaïves. « Point de doute, les étudiants ont apporté une belle contribution aux petites et moyennes entreprises situées aux abords de la FAC », a fait savoir Makendy, membre du comité de l’école.
La dernière graduation de l’EDSEG est une preuve tangible des impacts de l’insécurité sur le bon fonctionnement de l’institution.
« Légions sont ceux qui ont brillé par leurs absences en dépit de leur motivation. Augmentation du prix des circuits, blocages des routes principales, braquage, tuerie, kidnapping ont, entre autres, contraint certains étudiants, notamment ceux qui devaient venir de la région Ouest du pays à manquer ce grand rendez-vous », reconnaît Makendy.
Considérés comme leur dernier voyage, après la cérémonie de graduation, les étudiants en ont profité pour visiter les « LAKOU », aller à la plage, boire un verre ensemble, pour aussi goûter davantage la cuisine Gonaivienne dont le goût divise. Dispersés dans tous les coins et recoins de la ville, chacun veut profiter de ce petit voyage académique.
La multiplication des foyers de gangs est un coup dur pour le département de L’Artibonite. « L’EDSEG et la ville des Gonaïves ne sont pas les seules à en être victimes », a conclu Erné.