L’incertitude demeure entière quant à la reprise éventuelle des activités scolaires, notamment dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, en raison de la recrudescence des violences perpétrées par des bandes armées. Les écoles sont contraintes de rester fermées pendant environ deux mois afin d’échapper à la vague d’insécurité qui secoue la capitale. C’est dans ce contexte de paralysie quasi-totale des activités scolaires que le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) a publié le jeudi 4 avril un calendrier scolaire 2023-2024 modifié, alors que les jours de classe sont reportés sine die. Une décision qui suscite des interrogations sur sa pertinence et sur la compréhension de la crise par le ministère.
La démarche du MENFP de réviser son calendrier scolaire pour l’année académique 2023-2024 a tendance à passer comme une lettre à la poste. Elle est pourtant symptomatique de la manière dont les autorités perçoivent les crises : en surface. Selon certains observateurs, proposer un calendrier révisé sans avoir la moindre idée de la date éventuelle de reprise des cours relève de la démagogie.
En sus, le secteur éducatif est l’un des plus durement touchés par l’aggravation de la crise sécuritaire. Depuis février, les activités scolaires ont considérablement ralenti, sans perspective de reprise dans les écoles de Port-au-Prince. Aucun parent ne souhaite exposer son enfant à un environnement d’apprentissage risqué où des balles perdues atterrissent dans les salles de classe.
À cela s’ajoute l’impuissance avérée des autorités face aux activités des gangs criminels. Les infrastructures clés, en particulier les prisons, les hôpitaux, les ports, l’aéroport international Toussaint Louverture, des commissariats et même le palais national, ont été la cible d’attaques armées. Plusieurs écoles ont également été la proie des délinquants, pillées et incendiées.
Cette mesure découle de la fermeture prolongée des écoles, notamment à Port-au-Prince, en raison de l’insécurité. Cependant, le ministère a omis de préciser la date de reprise des cours dans la capitale. Des observateurs estiment qu’il est légitime de se demander comment les autorités scolaires peuvent fixer de nouvelles dates pour les examens officiels sans tenir compte de la date de reprise des cours. Comment l’un peut-il pas aller sans l’autre ? Qu’en est-il des écoles occupées par des personnes déplacées et qui sont utilisées comme centres d’examens en temps normal ?
Inquiétudes et doutes des parents et élèves
De nombreux parents ont néanmoins émis des réserves sur le calendrier révisé. « Le ministère ne sait certainement pas quand les activités scolaires reprendront, alors comment peut-il fixer des dates pour les examens officiels ? », a questionné un parent d’élève.
À Croix-des-Bouquets, des habitants ont fui la terreur des gangs, ce qui a entraîné la fermeture de plusieurs écoles. « Mon enfant est en 9e année au Lycée Jacques 1er, et nous le gardons à la maison depuis la fin du mois de janvier », explique un autre parent habitant la plaine du Cul-de-sac. La commune est plongée dans une situation apocalyptique, avec des écoles fermées, des attaques répétées contre les banques et les institutions publiques, et une absence notable de l’État.
Une jeune bachelière, que nous appelons Melissa*, a abandonné la préparation de l’examen du baccalauréat pour trouver un moyen de fuir le pays à tout prix. « Je renonce à mon rêve d’aller à l’université dans mon pays », dit-elle. Cette jeune Haïtienne, rongée la dépression, avait initialement l’intention de devenir médecin généraliste dans 7 ans, un objectif aujourd’hui compromis.
Des écoles transformées en abris temporaires
Face à cette situation précaire, des personnes déplacées fuyant la terreur des bandes armées ont investi les locaux de plusieurs établissements publics. Le ministère n’a pris aucune mesure pour remédier à ce problème. De plus, écoles ont également été vandalisées et incendiées. Plus récemment, le Petit Séminaire Collège Saint Martial et l’école mixte des Frères Nau ont été victimes de la violence de bandes armées.
Ce constat alarmant suscite des interrogations légitimes, mais les réponses tarderont à venir. Il apparaît de plus en plus évident que l’initiative de publier ce nouveau calendrier est un ultime élan de ce gouvernement démissionnaire qui n’a juré que par son inefficacité depuis les 30 derniers mois, dont le ministre de l’Éducation, Nesmy Manigat, est solidaire. En témoigne cette prise de pouvoir par les gangs.