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Quatre ans après la prise de Martissant par des groupes armés, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) dresse un constat implacable : Haïti a sombré dans une crise sécuritaire sans précédent, marquée par une perte massive de contrôle territorial au profit des gangs.
Dans un rapport publié ce lundi 2 juin, l’organisation identifie 28 zones totalement passées sous la coupe des gangs, dont 25 dans le seul département de l’Ouest, depuis le 1er juin 2021 — une date qu’elle qualifie de « tournant historique ». Martissant, selon le CARDH, constitue « le point de départ des conquêtes territoriales des gangs », reconnues officiellement comme « territoires perdus » à partir du 20 mars 2023.
L’impact est dévastateur : 102 institutions publiques et 622 privées ont été contraintes de fermer, de déménager ou ont été vandalisées et incendiées. Le pays compte plus d’un million de déplacés internes, 4 716 personnes assassinées (dont 136 policiers) et 3 363 cas de kidnapping.
Le rapport pointe sans détour la responsabilité des autorités haïtiennes :
« Cette réalité criante est le résultat du laxisme et de l’implication de la plupart des autorités qui se sont succédé et d’autres personnalités dans le développement de la criminalité en Haïti. »
Face à cette hémorragie sécuritaire, le CARDH salue la décision récente des États-Unis de classer les gangs Viv Ansanm et Gran Grif comme organisations terroristes étrangères. Une mesure potentiellement salutaire, selon l’organisme, si elle s’accompagne d’actions concrètes, durables et coordonnées.
Fait notable : le CARDH évoque également le recours à des sociétés militaires privées, citant la firme américaine Academi (ex-Blackwater), malgré son passé controversé. Cette option ne serait envisageable, précise-t-il, que dans un cadre strictement réglementé, respectueux des droits humains et des mécanismes de contrôle judiciaire.
Enfin, le rapport appelle à une réforme en profondeur des forces de sécurité haïtiennes :
- Révision de la loi sur la Police nationale (29 novembre 1994)
- Création d’une unité anti-terroriste spécialisée
- Renforcement des effectifs policiers et militaires
- Levée de l’embargo sur les armes
- Construction d’une prison de haute sécurité
- Réinsertion des enfants enrôlés dans les gangs
- Création d’une unité judiciaire dédiée aux crimes liés aux gangs
Pour le CARDH, seule une approche globale, structurelle et multidimensionnelle permettra de reprendre les territoires perdus et restaurer l’autorité de l’État.
D.D