Dix-huit novembre, cette date sacrée qui commémore la bravoure des héros de la bataille de Vertières, semble aujourd’hui n’être qu’un souvenir fané dans un manuel d’histoire oublié. Ce dernier acte glorieux de la lutte pour l’indépendance d’Haïti, autrefois porteur de fierté et de sens, a perdu son éclat et, avec lui, une part de son essence.
Soyons francs : pour une grande partie de la jeunesse haïtienne, le 18 novembre n’a presque plus aucune résonance. Les dates historiques, ces jalons essentiels de notre mémoire collective, sont devenues des concepts abstraits. Sur les réseaux sociaux, Vertières est reléguée au second plan, noyée sous un flot de vidéos virales, de mèmes futiles et de jeux triviaux. Pourquoi débattre de liberté et de dignité quand un simple défi TikTok promet des « likes » instantanés ? Cette indifférence est un affront à nos ancêtres, qui ont risqué et donné leur vie pour offrir à leur descendance une existence libre et digne.
Le Champ de Mars, où trône le MUPANAH, est aujourd’hui un territoire abandonné à la violence. Depuis des jours, il résonne non pas des discours officiels ni des pas d’hommage, mais des détonations d’armes à feu. Toute cérémonie y est impensable. Quant à Vertières, ce lieu emblématique au Cap-Haïtien, il est devenu un symbole inaccessible : le Nord est coupé du reste du pays par des routes occupées par des gangs armés.
Dans ce contexte, les autorités ont choisi de commémorer la bataille de Vertières à une base militaire à Tabarre, loin des lieux chargés de symbolisme. Une décision pragmatique, certes, mais qui illustre l’échec de l’État à garantir la transmission de l’histoire dans les espaces dédiés à cet effet.
Les écoles et les universités, qui devraient être des foyers de réflexion et de transmission de la mémoire collective, sont elles aussi paralysées par l’insécurité. Ces espaces, où des débats sur la pertinence et l’héritage de Vertières auraient pu naître, restent désespérément silencieux, les portes fermées par peur des gangs.
Ajoutons à cela les propos de Leslie Voltaire, président du Conseil Présidentiel de Transition, qui, en ce jour, a appelé à une « deuxième indépendance nationale ». Bien que cet appel puisse être perçu comme une tentative de réveil collectif face au chaos actuel, sa symbolique soulève des interrogations : ce message insinue-t-il que le combat de 1803 n’a plus de sens ? Que nos ancêtres se sont battus en vain ? Ses paroles, même animées de bonnes intentions, résonnent comme un aveu d’échec et une remise en question du poids historique de ce jour.
Que reste-t-il donc du 18 novembre ? Une commémoration discrète dans une base militaire, des discours qui peinent à inspirer, et une jeunesse désabusée. Ce jour, autrefois symbole de fierté nationale, semble aujourd’hui vidé de sa substance et de sa signification.
D.D