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La communauté LGBTQ a célébré le mois de la Fierté en Haïti, le « Pride Month ». Depuis 1970, chaque année au mois de juin, le monde célèbre le mois de la fierté, plus connu sous le nom de Pride Month, à travers des marches et des évènements. Depuis le soulèvement de Stonewall en 1969 où des gays avaient tenu tête à la police, à une époque où l’homosexualité était un délit punissable par des lois américaines, plusieurs pays emboîtent le pas pour faire du mois de juin un mois de reconnaissance et de fierté. La communauté LGBTQ+ en Haïti a célébré le Pride Month sur fond de fierté et d’espoir d’un lendemain meilleur pour cette minorité de la société haïtienne.
Pour Jean Michaël MEME, membre de l’organisation KOURAJ qui est une organisation de défense des droits humains spécialement les droits des minorités LGBTQ+, pendant tout le mois de Juin, du 1er au 30, c’est un mois de fierté ou l’on savoure les chemins déjà parcourus avec en tête ceux qu’il nous reste à parcourir. C’est le moment pour la communauté de faire passer le message le plus important au reste de la société qui est le respect des droits de la communauté. « Ce qui importe pour nous, ce n’est pas que la société nous accepte, on s’est déjà accepté, ce que l’on veut, c’est qu’on nous respecte, qu’on nous voit comme des personnes à part entières, comme des citoyens haïtiens », soutient Hetera Estimphil, actuelle présidente de l’organisation KOURAJ.
La célébration du Pride Month a débuté le 17 mai 2022 lors de la journée internationale contre l’homophobie, la biphobie, transphobie, ils ont organisé des activités de sensibilisation avec plusieurs panels autour du thème « Nos corps, Nos vies, Nos droits ». Dans le cadre de ces échanges, plusieurs entités des droits humains notamment des associations LGBTQ+ sont rassemblées dans le cadre du projet « Jeune Leader pour l’égalité » dans l’objectif de former des leaders de la communauté et d’autres leaders alliés pour former leurs pairs sur les questions fondamentales de la sensibilisation, la tolérance, le respect et l’engagement des jeunes de la communauté dans la société.
Réalité des homosexuels en Haïti
« La communauté homosexuelle n’étant pas un monolithe, chaque personne vit différemment son homosexualité, certains sont stigmatisés, d’autres le sont moins, il y en a qui ne le sont pas du tout. En tout cas, il n’y a pas une situation globale, assimilable à tous les homosexuels haïtiens. Mais généralement les homosexuels sont tous victimes de discrimination dans leurs espaces de travail, dans leurs familles, dans leurs écoles et églises », soutient Jean Michael MEME.
Pour Hetera Estimphil, la situation des homosexuels diffère d’un endroit à l’autre. À titre d’exemple, le département de l’Artibonite est réputé le plus tolérant pour les homosexuels, peut-être la pratique du Vaudou y est pour quelque chose, selon la présidente du KOURAJ, alors que le département du Nord est le plus conservateur, le plus hostiles aux homosexuels. Hetera Estimphil qui s’appuie sur le nombre de cas de violence, de menaces et des plaintes reçus par KOURAJ dit aussi remarquer que l’Ouest est devenu de plus en plus tolérant à l’égard de la communauté LGBTQ+. Elle pense que la nouvelle génération dite « Génération 2000 » y est pour quelque chose, grâce à leur ouverture d’esprit. Selon Hetera, cette génération est plus réceptive aux discours de tolérance et leur courage de s’afficher et de s’affirmer comme étant homosexuel fait inverser la tendance dans l’Ouest spécifiquement à Port-au-Prince.
Des avancées dans la lutte de LGBTQ en Haïti
Cette bataille permanente pour leur respect, la tolérance de la minorité LGBTQ a commencé depuis 2011, selon la Présidente de KOURAJ. « Malgré sa jeunesse, la lutte a déjà apporté quelques résultats considérables. Il y a beaucoup moins de violences physiques sur les homosexuels, même si les violences verbales, les harcèlement continuent de faire des victimes au sein de la communauté mais aujourd’hui il est de moins en moins probable qu’un homosexuel se fasse agresser dans les rues juste pour son identité et orientation sexuelle, c’est une avancée considérable » souligne Hetera se rappellant qu’en 2013 lors de la journée internationale contre l’homophobie que KOURAJ n’avait qu’une seule institution alliée lors de cette journée alors qu’en 2022 l’organisation compte près d’une cinquantaine de partenaires qui s’associent avec elle dans la lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie.
Aujourd’hui la communauté LGBTQ est beaucoup plus organisée, elle s’est constituée en un Comité National qui regroupe environ 17 organisations de la population clef en Haïti. La question d’homosexualité est devenue un sujet qui peut être débattu publiquement, dans les rues, dans les universités, dans les médias alors qu’à un certain temps, ce fut un sujet tabou. Malgré ces avancées considérables, les deux responsables de KOURAJ affirment qu’ils ne vont pas en rester là car la lutte pour le respect des droits des LGBTQ est une lutte permanente, renouvelable chaque 24 heures. Aujourd’hui nous avons environ une demi-douzaine de Bar qui sont réservés exclusivement aux LGBTQ+, il y des espaces privés récréatifs ou les membres de la communauté peuvent se récréer aisément. « Nous avons des financements des institutions internationales comme la Fondation interaméricaine IAF, qui donne des moyens de financements pour booster les micro crédits, les activités entrepreneuriales de la communauté », se réjouit t-elle. Il y a aussi “Kay Trans” qui permet d’héberger les personnes Trans.
Près de 30% de la population haïtienne serait homosexuel ?
Les deux responsables affirment qu’il est quasiment impossible d’estimer le nombre d’homosexuel en Haïti et des personnes faisant partie de la communauté LGBTQ+ en général, car tous les homosexuels ne se déclarent pas publiquement, il y a ceux qui sont restés dans les placards et ceux qui ont le sentiment, l’attirance pour le sexe semblable mais qui n’ont pas assez de courage d’exprimer cette attirance. Jean Michel MEME avance qu’à partir de la date qu’il a commencé à travailler avec KOURAJ jusqu’à aujourd’hui le nombre d’homosexuel qui s’affirme publiquement a quadruplé. Plus loin, le responsable du plaidoyer de la santé sexuelle revèle que selon les études réalisées un peu partout dans le monde, on constate que près de 10 a 30% des populations étudiées sont des homosexuels, c’est un constat ; donc il est fort probable que près de 30% des haïtiens soient homosexuels. Pour Hetera le chiffre doit être revu à la hausse, ils ont beaucoup plus que ça. Madame Estimphil se rappelle d’une enquête de PSI Haïti de plus de 15 ans avait fait état de 36 000 homosexuels mâles en Haïti. Cette enquête n’avait pas pris en compte les lesbiennes et les homosexuels non déclarés.
Engagements citoyens et politiques de la Communauté LGBTQ
À ceux qui critiquent les homosexuels de manque d’engagement citoyens et politique, les responsables pensent que le problème est dû à la situation de rejet qui existe dans certains espaces sociaux et politiques. Jean Michel dit se rappeler lors des premières manifestations de rues pour la reddition des comptes du scandale Petrocaribe, beaucoup d’homosexuels avaient participé à cette marche, mais ils n’étaient pas les bienvenus, beaucoup de manifestants leurs avaient poussé à la sortie arguant qu’ils n’étaient à leur place.
Le non engagement de la communauté LGBTQ+ dans la politique est une réponse par rapport à ceux qui ne montrent aucun intérêt pour cette minorité et en retour, elle n’y montre aucun intérêt pour les affaires liées à la politique, stipule Hetera Estimphil. Les politiciens parlent des homosexuels seulement quand ils veulent accroître leur capital politique, à ce moment il parle d’abomination, de fléau, de péché etc… Mais à Kouraj, explique Hetera, nous travaillons pour remédier à cette situation, nous avons déjà réalisé une enquête sur 5000 personnes pour voir s’il détient leur carte d’identification nationale, nous les encourageons à s’inscrire dans les registres de l’ONI et les sensibiliser sur la nécessité de participer aux élections. Notre plus grand rêve c’est de voir un de nos membres élu au parlement qui aura la mission de porter le projet de loi sur l’identité de genre concernant les personnes Trans.
Notons que LGBTQ+ regroupe les lesbiennes, les gays, les bisexuelles, les transsexuelles, les transgenres, les pansexuelles, les asexués, les non-binaires, les queers, les intersexués et d’autres minorités sexuelles et de genres.